Francesca Mininel
Francesca Mininel est docteure en anthropologie de la santé et chercheure postdoctorale au Laboratoire population environnement développement (LPED) dans le cadre du programme ANR CoMeSCoV. Elle est également associée à l’unité de recherches translationnelles sur le VIH et les maladies infectieuses (TransVIHMI) de l’Institut de recherche pour le développement (IRD), et à l’Institut d’ethnologie méditerranéenne, européenne et comparative (Idemec) de l’université Aix-Marseille.
Elle est membre de l’Association d’anthropologie médicale appliquée au développement et à la santé (Amades) et du Réseau ouest africain anthropologie des épidémies émergentes (RAEE). Son champ de recherche comprend notamment l’anthropologie des sexualités et du genre, l’anthropologie des épidémies, l’analyse des politiques de la prévention et de la riposte, l’anthropologie de la médecine et l’anthropologie du religieux en lien avec la santé.
Mon expérience du confinement
« Pendant le premier confinement, je partageais mon temps entre mon petit studio au Vieux-Port et le service « Covid » d’un hôpital marseillais. Si je me laisse emporter par les souvenirs, je ressens une sensation de chaleur et d’étouffement. En service Covid, nous sommes soumis à un régime d’isolement strict qui prévoit, entre autres, l’interdiction d’ouvrir les fenêtres : il n’y a pas d’air.
Nous portons un équipement de bioprotection à plusieurs « couches » que nous appelons, pour dédramatiser, « tenue cosmonaute » : blouse, surblouse, tablier, masque FPP2, surmasque chirurgical, visière, lunettes, bonnet, charlotte, surchaussures, deux paires de gants. J’accompagne les infirmières dans une chambre pour réaliser mes observations ethnographiques. Je laisse la porte ouverte quelques minutes pour transporter des choses sans toucher plusieurs fois les poignées, en suivant le protocole. Une malade en profite pour regarder le couloir, en souriant. Quand je m’apprête à fermer la porte, elle me supplie : « S’il vous plaît, pour l’amour de Dieu, laissez la porte ouverte ! J’étouffe ! On risque de mourir sans pouvoir ouvrir la fenêtre, sans même pouvoir voir les gens dans le couloir ! Si vous avez pitié de moi, laissez la porte ouverte. » Je referme la porte derrière moi, en sentant d’un coup sur moi toute la chaleur de son étouffement. »