Anachroniques. Écritures contemporaines de l’histoire

Que nous disent les formes contemporaines d’écriture de l’histoire ? Pour y répondre, le collectif Anachroniques arpente des textes de sciences humaines et sociales et les fait entrer en résonance avec les enjeux politiques, environnementaux, éthiques et esthétiques d’aujourd’hui.

À travers la lecture et le commentaire de textes de sciences humaines et sociales, l’aventure intellectuelle et collective d’Anachroniques cherche à affronter un impensé du rapport des historiens au temps, trop souvent conçu comme une succession linéaire et uniforme d’époques, de périodes disposant chacune de leurs caractéristiques propres, un « esprit du temps » ou un esprit des institutions. Alors que l’anthropologie s’est confrontée depuis longtemps aux temporalités plurielles, les historiens sont restés attachés à la notion d’époque pour qualifier des ensembles stables et cohérents à partir desquels il serait possible de poser des analyses comme de décrire des régularités, aussi bien sociales que culturelles. 

Force est de constater que l’époque, malgré les critiques nombreuses qu’elle a essuyées en tant qu’unité artificielle de l’organisation des savoirs historiques, continue de subsister, dans les récits des sciences sociales, comme un puissant facteur indiscriminé de détermination de l’action. D’objet à expliquer, elle est devenue principe explicatif. Elle participe de la sorte d’une forme de culturalisme – osons, un temporalisme –, lourd d’assignations chronologiques fortes qui empêchent d’envisager la cohabitation de régimes temporels pluriels dans lesquels les acteurs inscrivent leurs actions. La crainte de l’anachronisme, l’attachement aux récits linéaires, la conviction qu’il existe des épistemè stables, ont agi comme des repoussoirs.

En mai 2020, au sortir du « premier confinement », nous avons pris le parti d’interroger ce présent aporétique à la lumière des prises de positions d’intellectuels dans les médias grand public. Puis, en vue de notre participation au festival du Jeu de l’Oie, nous est venue l’idée de mettre ces questionnements épistémologiques au défi du réel en confrontant ces textes à la proposition du dessinateur Gébé. Dans L’an 01, dont nous fêtons le cinquantenaire, il proposait de mettre le monde à l’arrêt pour réfléchir aux suites à donner à l’organisation de nos vies. Notre propos ? Tisser des liens intertextuels et anachroniques entre deux temps d’arrêt, l’un fantasmé, l’autre imposé, et voir ce que ça fait.

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