Fleur Beauvieux

Docteure en histoire de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), elle a soutenu une thèse en 2017 intitulée Expériences ordinaires de la peste. La société marseillaise en temps d’épidémie (1720-1724). Elle est chercheure correspondante au Centre Norbert Elias et post-doctorante au LPED à Marseille, sur le programme CoMeSCoV « Confinement et mesures sanitaires visant à limiter la transmission du Covid-19. Expériences sociales en temps de pandémie en France, en Italie et aux États-Unis », soutenu par l’ Institut de recherche pour le développement (IRD), Reacting et l’Agence nationale de la recherche (ANR).

Ses recherches portent à la fois sur l’histoire sociale des épidémies, les différents espaces de la ville, les vulnérabilités et les résistances populaires. Son travail sur la peste et le contrôle des corps en situation épidémique éclaire les transformations socio-spatiales induites par la mise en quarantaine de la cité, pour gérer les différents espaces et la propagation de la maladie.

Enseignante en parallèle à l’École nationale d’architecture de Marseille, sa thématique sert de point de départ pour aborder plus largement la question des crises sanitaires et de leur impact dans les cités touchées, ainsi que les différentes réactions des populations face aux risques, ou de façon plus générale l’hospitalité et l’inhospitalité des lieux dans lesquels nous sommes amenés à vivre et habiter. On note en effet pendant cette période une restructuration de l’espace urbain et une modification de l’espace vécu par les habitants (fermeture des lieux publics, mise en place de frontières intra et extra-urbaines, transformations de l’usage des rues, places et quartiers). Les deux principaux champs dans lesquels elle a jusqu’à présent enseigné sont l’histoire et les sciences sociales, notamment à travers les différentes techniques de l’ethnographie.

Elle est par ailleurs engagée dans la diffusion large des sciences humaines et sociales dans le domaine public, avec l’association Le Tamis-Anthropologies coopératives, qui expérimente des actions à la croisée des arts, de l’éducation populaire et des sciences sociales.

Pages personnelles : https://centrenorbertelias.cnrs.fr/equipes-de-recherche/jeunes-docteurs/fleur-beauvieux/ et https://ehess.academia.edu/FleurBeauvieux

Mon expérience du confinement

« Mon expérience du confinement fut particulière puisque la pandémie m’a paradoxalement donné du travail. Frappant la ville de Marseille 300 ans après la peste, la Covid a été pour moi un évènement historique que je ne pensais pas vivre un jour, même si je travaillais sur les épidémies depuis dix ans.

En décembre 2019, j’étais à la fois plongée dans une recherche d’emploi soutenue, un concours à passer et diverses publications, dont une source narrant au quotidien les évènements de la peste à Marseille. En parallèle, je suivais scrupuleusement ce qu’il se passait dans le reste du monde, et ce qui était alors pour moi le « coronavirus », arrivé à Wuhan le mois précédent. Je me suis alors rapprochée des chercheur.es que je connaissais qui travaillaient dans le champ de la santé, tous socio-anthropologues. La quarantaine de Carry-le-Rouet semblait une « redite » de l’arrivée de la peste, même si les lieux avaient changé et que nous étions dans le temps présent. J’ai eu vraiment peur, d’autant que certains membres de ma famille ne vivent pas dans la même région que moi.

J’ai débuté mon journal de terrain le 12 mars et ai eu la chance de pouvoir me déplacer dans mon quartier, puis en ville à partir de début avril, grâce à une autorisation de circuler liée au programme Comescov. Je vis très mal l’enfermement quel qu’il soit, et me sentais pour la première fois depuis la fin de ma thèse réellement légitime à faire de la recherche. À la fois dans l’épidémie et en retrait, puisqu’en position de recherche, sur le terrain avec les intervenants et les bénévoles venant en aide aux personnes vulnérables, la Covid m’a finalement rappelé ce pourquoi j’avais choisi de travailler sur la peste l’année où nous réfléchissions alors au H1N1, et celles et ceux pour qui j’avais rédigé ma thèse. »