Politiques sanitaires et prévision des vagues successives
Face à la crise sanitaire, les États européens n’ont pas apporté de réponse unique dans le déploiement de mesures de santé publique : durée et rigueur de ces mesures ont été à la discrétion des pays. Notre travail intègre ces disparités dans la modélisation statistique des vagues de l’épidémie.
Un site web de l’université d’Oxford regroupe les données disponibles et illustre ces politiques sous la forme d’un indice de sévérité variant entre 0 (pas de mesures) et 100 (confinement total). Ces données permettent tout d’abord de mesurer le retard de réaction face à l’épidémie dans différents pays et ses conséquences sur le nombre de cas. L’Irlande et le Danemark ont réagi très vite, avec un nombre de cas faible. La plupart des autres pays ont réagi plus tardivement (tableau 1).
La première vague croît de manière exponentielle jusqu’à la mise en place de mesures de confinement fortes. Après ces mesures, l’épidémie atteint un pic, puis décroît. La Suède présente un cas à part dans la mesure où elle n’a pris aucune mesure de confinement strict. L’épidémie y suit une évolution très différente, avec une absence de deuxième vague au sens strict (figure 1). Sur cette première vague, on peut estimer un premier modèle exponentiel C(t) = C(0) exp(r t). Il va permettre de mesurer le fameux R zéro (R0) en combinant l’estimation des paramètres de ce modèle avec les données épidémiologiques sur la distribution de l’intervalle sériel (la rapidité de transmission du virus entre deux cas qui se suivent sur la chaîne de transmission). Ce modèle décrit bien la première vague et conduit à un R0 variant de 2,08 pour la Suède à 3,96 pour l’Italie (tableau 2).
La deuxième vague présente des caractéristiques très différentes. La propagation de l’épidémie a déjà subi l’impact des premières mesures de confinement, puis de déconfinement. On peut dater cette deuxième vague à 60 jours après le premier relâchement des mesures sanitaires. Les taux d’expansion sont plus faibles et le R0 varie de 1,25 pour l’Allemagne à 1,42 pour la France (tableau 3). Mais le modèle prédit mal l’expansion de l’épidémie après la fin septembre. Le sens de l’erreur de prédiction traduit l’efficacité des mesures sanitaires prises depuis fin septembre (figure 2).
L’étude entreprise considère des modèles bien plus complexes qui permettent de modéliser l’évolution de l’épidémie sur l’ensemble de la période et de mesurer l’efficacité des politiques sanitaires, dont un des buts peut être de limiter l’apparition d’une deuxième vague. Dans ce domaine, la Suède reste jusqu’à présent championne de l’efficacité.