Vivre au temps du confinement. La collecte participative du Mucem
Que disent de nous nos objets, nos documents ? Témoins de ce que nous vivons, ils parlent de notre quotidien. Mais cela ne s’arrête pas là… ils peuvent aussi se faire « signes » de nos temps.
Le Mucem a lancé au printemps 2020 un appel à donner des objets ou documents qui incarnaient un quotidien transformé par la crise, sous la direction d’Émilie Girard, directrice scientifique et des collections du Mucem. Plus de 600 propositions de dons ont été réunies. Les objets de prévention côtoient les témoignages de solidarité aux soignants et les adaptations créatives à la poursuite de la vie professionnelle, familiale ou sociale. Les manières de compter son temps et de le rythmer, les manières de l’occuper sont largement représentées.
À cette relation au temps s’associent de nouvelles relations à l’espace. Les déplacements contraints font émerger de complexes relations entre extérieur et intérieur : aspirations à la nature et attention accrue aux enjeux environnementaux ; réorganisation, ritualisation, détournements des intérieurs domestiques ; diversification des médias de communication ; importance des seuils et des objets de transition entre intérieur et extérieur…
Cette collecte se poursuit aujourd’hui par une étude, conduite par le Mucem et l’Institut Somum de l’université d’Aix-Marseille, visant à saisir non seulement ce que ces objets nous disent de notre quotidien, mais aussi à comprendre ce qu’est une crise.
Sous le regard du sociologue et de l’anthropologue, ces objets deviennent les « signes » des temps que nous vivons. Ils nous racontent autre chose que leur fonction ou leur usage. Grâce à la richesse des témoignages qui les accompagnent pour saisir le sens que les donateurs leur accordent, ils ouvrent à une multiplicité de rapports au monde et à la crise qui, bien que générale, n’a pas été vécue par toutes et tous de la même manière.
Ainsi, le détournement des usages d’un objet renvoie à une rupture dans la quotidienneté induite par la crise. L’importance accordée à des objets domestiques témoigne du repli sur le « chez-soi », quand d’autres objets révélateurs d’un seuil entre le dehors et le dedans accusent la séparation entre espace public et espace domestique causée par le confinement.
Cette collecte appelle donc une série de questionnements que la recherche devra dénouer en enquêtant de manière plus approfondie auprès des donateurs, et en étendant l’étude auprès des populations qui n’ont pas eu accès à l’appel à dons. Cette recherche est aussi l’occasion, pour le Mucem, de questionner les modalités de collecte dans des situations d’urgence et, par extension, le rôle d’un musée de société face aux crises, ainsi que les manières de construire collectivement la mémoire de ces crises.
Pour aller plus loin
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Newsletter « Vivre au temps du confinement » du Mucem n°3
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